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Chacun sait qu'autrefois les femmes convaincues d'adultère
Se voyaient enfoncer dans un endroit qu'il me faut taire
Par modestie
Un énorme radis.
Or quand j'étais tout gosse un jour de foire en mon village
J'eus la douleur de voir punir d'une épouse volage
La perfidie
Au moyen d'un radis.
La malheureuse fut traînée sur la place publique
Par le cruel cornard armé du radis symbolique
Ah ! Sapristi
Mes aïeux quel radis !
Vers la pauvre martyre on vit courir les bonnes épouses
Qui soit dit entre nous de sa débauche étaient jalouses
Je n'ai pas dit :
Jalouses du radis.
Si j'étais dans les rangs de cette avide et basse troupe
C'est qu'à cette époque-là j'n'avais pas encore vu de croupe
Ni de radis ;
Ça m'était interdit.
Le cornard attendit que le forum fût noir de monde
Pour se mettre en devoir d'accomplir l'empalement immonde
Lors il brandit
Le colossal radis.
La victime acceptait le châtiment avec noblesse
Mais il faut convenir qu'elle serrait bien fort les fesses
Qui du radis
Allaient être nanties.
Le cornard mit l'radis dans cet endroit qu'il me faut taire
Où les honnêtes gens ne laissent entrer que des clystères.
On applaudit
Les progrès du radis.
La pampre du légume était seule à présent visible
La plante était allée jusqu'aux limites du possible.
On attendit
Les effets du radis.
Or à l'étonnement du cornard et des grosses pécores
L'empalée enchantée criait :"Encore encore encore
Hardi hardi
Pousse le radis dis !"
Elle dit à pleine voix : "J'n'aurais pas cru qu'un tel supplice
Put en si peu de temps me procurer un tel délice !
Mais les radis
Mènent en paradis !"
Elle n'avait pas fini de chanter le panégyrique
Du légume en question que toutes les pécores lubriques
Avaient bondi
Vers les champs de radis.
L'oeil fou l'écume aux dents ces furies se jetèrent en meute
Dans les champs de radis qui devinrent des champs d'émeute.
Y'en aura-t-y
Pour toutes des radis ?
Elles firent un désastre et laissèrent loin derrière elles
Les ravages causés par les nuées de sauterelles.
Dans le pays
Plus l'ombre d'un radis.
Beaucoup de maraîchers constatèrent qu'en certain nombre
Il leur manquait aussi des betteraves et des concombres
Raflés pardi
Comme de vils radis.
Tout le temps que dura cette manie contre nature
Les innocents radis en virent de vertes et de pas mûres
Pauvres radis
Héros de tragédie.
Lassés d'être enfoncés dans cet endroit qu'il me faut taire
Les plus intelligents de ces légumes méditèrent.
Ils se sont dit :
"Cessons d'être radis !"
Alors les maraîchers semant des radis récoltèrent
Des melons des choux-fleurs des artichauts des pommes de terre
Et des orties
Mais pas un seul radis.
A partir de ce jour la bonne plante potagère
Devint dans le village une des denrées les plus chères.
Plus de radis
Pour les gagne-petit.
Certaines pécores futées dirent sans façons : "Nous en s'en fiche
De cette pénurie on emploie le radis postiche
Qui garantit
Du manque de radis.
La mode du radis réduisant le nombre de mères
Qui donnaient au village une postérité le maire
Dans un édit
Prohiba le radis.
Un crieur annonça : "Tout femme prise à se mettre
Dans l'endroit réservé au clystère et au thermomètre
Même posti-
Che un semblant de radis
Sera livrée aux mains d'une maîtresse couturière
Qui sans délai lui faufilera le derrière
Pour interdi-
Re l'accès du radis."
Cette loi draconienne eut raison de l'usage louche
D'absorber le radis par d'autres voies que la bouche
Et le radis
Le légume maudit
Ne fut plus désormais l'instrument de basses manoeuvres
Et n'entra plus que dans la composition des hors-d'oeuvre
Qui à midi
Aiguisent l'appétit.